L’étoile jaune

Otto Fischl : Les moqueries des autres enfants à cause de cette étoile jaune.

Otto Fischl

Je me souviens de mes luttes à l’école avec le français et avec les moqueries des autres enfants à cause de cette étoile jaune.

Otto Fischl, Mon journal, 19 octobre 1943-15 mars 1945, Le Manuscrit/Fondation pour la mémoire de la Shoah, 2009, p. 20

François Lecomte : interdit de se montrer en public sans étoile juive

Francois Lecomte

Interdit de se montrer en public sans étoile juive : J’ai acheté un journal pour lire moi-même l’incroyable : « Il est interdit aux Juifs âgés de six ans révolus de se montrer en public sans étoile juive ». L’étoile juive se compose d’une étoile à six branches de la dimension d’une paume de la main en tissu jaune sur fond noir, avec l’inscription « Juif » en caractères noirs. Elle doit se porter visiblement sur le côté gauche de la poitrine, bien cousue sur le vêtement. Quiconque contreviendra aux dispositions de cette ordonnance sera puni de prison et d’une amende ou de l’une de ces peines. De plus, l’internement dans un camp de Juifs peut avoir lieu.
Un tampon « Juif » devra être appliqué sur la carte d’identité. Cette ordonnance entre en vigueur à la date du 1er juin 1942.
Je suis alors trop jeune pour avoir une carte d’identité mais qui suis-je donc, qu’ai-je fait, pour que l’on me marque ainsi d’une étoile jaune ? (p. 223)

‘Pousse-toi, youpin !’ : Les réactions au port de l’étoile sont diverses. La majorité des Parisiens semble ne pas la remarquer. D’autres me bousculent. Je me suis fait même donner un coup de coude dans la poitrine, cracher en pleine figure, accompagné d’un : « Pousse-toi, youpin ! » Si j’avais eu trente ans au lieu de treize, cela ne me serait sûrement pas arrivé.
Lorsque l’abbé Marcadet, curé de Sainte-Élisabeth, dont il est l’ami — je les ai entendus discuter tous les deux de musique, de littérature et de théologie, et je sais qu’ils jouent de l’orgue ensemble à l’église —, donc quand l’abbé Marcadet, en grande soutane noire, m’aperçoit avec mon étoile, même sur le trottoir d’en face, il traverse ostensiblement la rue, attend le passage d’un officier allemand pour s’interposer entre lui et moi, le bousculer, m’embrasser avec fougue, avec force manifestations d’affection à mon égard. Et ce, plusieurs fois par jour si les circonstances lui semblent propices. (p. 230)

François LECOMTE, Jamais je n’aurai quatorze ans, Editions Le Manuscrit / Fondation pour la mémoire de la Shoah, 2005

Fanny et David Sauleman : À l’école, d’autres épreuves nous attendaient

Fanny et David Sauleman

À l’école, d’autres épreuves nous attendaient. Les institutrices se comportaient comme le reste de la population. Certaines nous vexaient, nous insultaient, nous repoussaient, nous plaçaient au fond des classes. Mme Kant, par exemple, était farouchement antisémite. Mes résultats de cette année scolaire furent décevants. En revanche, je me souviens de Mme Nebout, une maîtresse très sensible qui visiblement n’aimait ni les collaborateurs ni les Allemands. Elle prenait même le risque de nous promener en ville avec les autres élèves – ces promenades étaient interdites aux Juifs – puisque souvent les enfants allaient jouer dans des jardins ou des parcs publics, ainsi que dans d’autres lieux qui nous étaient formellement interdits par les lois antisémites. Elle cachait alors mon étoile avec son écharpe. Je me rappelle la tristesse de son regard lorsque, à l’appel du matin, une petite Juive « manquait ». (p. 276)

Une réglementation contraignante et précise avait été édictée par les Allemands dans leur ordonnance du 29 mai : le port obligatoire de l’étoile dès six ans révolus, ses dimensions, la solidité de sa fixation sur les vêtements, l’endroit exact où elle devait être cousue ; elle ne devait pas être cachée sous un autre vêtement. Pour obtenir l’étoile, il fallait donner des points textiles.

Je suis allé avec Maman retirer les nôtres dans un bureau (à la mairie, je crois). Et je me rappelle que l’employée, qui les remettait contre ces points, découpait les étoiles dans un rouleau de tissu avec de grands ciseaux en écornant volontairement le dessin des six branches de façon à nous mettre en difficulté avant même de pouvoir les porter ! Je me rappelle aussi que Maman a dû payer nos étoiles alors que l’ordonnance n’imposait que la remise de points textiles. (p. 291-292)

Fanny et David SAULEMAN, Deux mètres carrés, Editions Le Manuscrit Le Manuscrit / Fondation pour la mémoire de la Shoah, 2009