Les abris
Pierre Auer Bacher : L’aspect des villes se transformait
Petit à petit, l’aspect des villes se transformait : des tranchées devant faire fonction d’abris antiaériens étaient confortées par des sacs de sable, des caves aménagées devaient être indiquées en clair avec le nombre de personnes qu’elles pouvaient accueillir, les vitres des particuliers et les vitrines étaient recouvertes de papier collant destiné à éviter l’éparpillement des morceaux de verre en cas de bris de glace dus à l’explosion d’une bombe. C’est à qui rivaliserait d’ingéniosité artistique dans la disposition des croisillons des bandes de papier.
Pierre Auer Bacher, Souvenirs d’une période trouble, Le Manuscrit/Fondation pour la mémoire de la Shoah, 2008, p. 102
Otto Fischl : Un seul remède, l’abri
Contre tous ces dangers, nous avons un seul remède, l’abri. Voici quelques détails et chiffres : longueur, 5 m ; largeur, 1 m ; hauteur, 1,80 m. Comme charpente, il y a des planches de 30 cm d’épaisseur et 3 m de long, il y en a huit ; ensuite sont posées dessus des planches moins longues et épaisses qui recouvrent toute la longueur de l’abri.
Dessus, il y a une couche de terre haute de 80 cm. Un escalier pour pénétrer dedans forme une entrée, l’autre est formée par une échelle de secours. Dedans sont posées deux planches en forme de bancs posées sur des pierres. Dix personnes peuvent s’asseoir dessus. Comme instruments de secours il y a un pic, une pelle et du fil de fer. Une pharmacie de secours comprenant bandages, ouate, teinture d’iode, eau oxygénée, eau borique, coton hydrophile, plus le fameux purgatif, aspirine, etc. Une bouteille de cognac, une bouteille d’eau et deux de Vittel, un seau d’eau vont être mis en réserve.
Otto Fischl, Mon journal, 19 octobre 1943-15 mars 1945, Le Manuscrit/Fondation pour la mémoire de la Shoah, 2009, p. 141
Fanny et David Sauleman : Obligés de descendre aux abris
Obligés de descendre aux abris : Lors des alertes, presque toujours nocturnes, nous étions obligés de descendre aux abris. (…)
En raison de la fréquence de ces alertes, nous tenions prête en permanence une grande musette que Maman avait cousue. Cette musette était remplie de vêtements de rechange pour Maurice, de vêtements chauds pour ma mère et moi, de quelques vivres avec de l’eau, d’une torche électrique. Bien qu’elle allaitât toujours Maurice, Maman y ajoutait à la dernière minute un biberon de lait chauffé à la hâte et enveloppé dans du papier journal pour qu’il reste tiède. Je ne devais pas oublier mon masque à gaz encombrant mais obligatoire et un petit siège pliant en toile pour ma mère, car ces caves n’étaient pas équipées pour recevoir tant de monde. Il fallait surtout penser à prendre une petite peluche pour mon frère. (p. 302-303)
Le son strident des sirènes : De nuit, ces alertes étaient encore plus inquiétantes et impressionnantes : le son strident des sirènes nous réveillait en sursaut, il fallait s’habiller très vite, prendre les objets que nous avions déjà préparés, sortir et descendre aux abris, Maurice dans les bras de ma mère et moi portant les paquets. Nous étions poussés et bousculés par les locataires de l’immeuble qui eux aussi se précipitaient dans ces abris. Sortir par un temps glacial et voir en passant dans la cour les faisceaux lumineux des projecteurs de la défense passive balayer le ciel pour que la DCA puisse tirer sur les avions est un souvenir ineffaçable. Nous étions partagés entre la peur du bombardement et l’espoir que ces escadrilles puissent réussir à frapper et détruire les installations allemandes.
Les sirènes hurlaient le début et la fin des alertes. Une fois l’alerte passée, nous remontions à la maison. Quelquefois, une deuxième alerte nous obligeait à refaire le même chemin. Souvent, lorsque les sirènes sonnaient la fin de la deuxième alerte, il était trop tard pour se recoucher, c’était déjà l’heure d’aller à l’école. (p. 305)
Fanny et David SAULEMAN, Deux mètres carrés, Editions Le Manuscrit / Fondation pour la mémoire de la Shoah, 2009