La fin de l’été 1939
François Szulman : Les amis de papa - s’engager dans l’armée ?
À la maison, c’est un va-et-vient incessant des amis de papa qui discutent sur les positions à prendre : s’engager dans l’armée ? Abandonner femme et enfants ? Il faut avant tout protéger sa famille, la mettre en sécurité. Les étrangers sont exclus de la distribution de masques à gaz et ne peuvent prétendre à une évacuation en province…. Mais, dès l’engagement volontaire du chef de famille dans la Légion étrangère signé, femmes et enfants accèdent à la protection civile. (p. 41)
Harnaché comme un fantassin, masque à gaz en bandoulière, cartable sur le dos, mallette avec le goûter à la main, je retourne au cours élémentaire 2 à l’école de la rue Armand-Carrel. Les cours sont interrompus par des exercices de défense passive. Visage masqué, les élèves descendent dans la cave, encadrés par les maîtres. Quelle aventure ! Les instituteurs ont du mal à maintenir la discipline. (p. 43-44)
François SZULMAN, Le petit peintre de Belleville, Le Manuscrit/Fondation pour la mémoire de la Shoah, 2018.
Fanny et David Sauleman : Masques à gaz distribués
Dès la déclaration de la guerre, des masques à gaz ont été distribués. Pour les habitants du XIe, il fallait aller les chercher dans un entrepôt municipal près de la place de la Nation. Ces masques dégageaient une odeur de caoutchouc insoutenable. J’en ai reçu un alors que mes parents n’y avaient pas droit : ils n’étaient pas français ! Ils auraient pu en acheter dans le commerce, mais c’étaient des surplus militaires de la guerre de 1914-1918, probablement obsolètes, donc inefficaces. Finalement ils n’en ont pas acheté. Comme je n’étais pas d’une grande taille, le filtre du masque que j’avais reçu était relié à celui-ci par un gros tuyau souple et se fixait à la taille sur un ceinturon. Ce masque était placé dans un boîtier métallique tubulaire de couleur kaki que je portais en bandoulière et qui me battait les mollets tant il était encombrant. (p. 247)
Avant l’application des lois antisémites, nous pouvions jouer dans le jardin du centre de la place, ou bien nous allions en promenade ou piqueniquer en forêt. Des jeux de piste étaient organisés, puis en fin de journée, assis en rond, nous jouions à la chandelle. Souvent, accompagnés à l’harmonica, nous chantions les chants de jeunesse appris à l’école. (p. 192-193)
Fanny et David SAULEMAN, Deux mètres carrés, Le Manuscrit/Fondation pour la mémoire de la Shoah, 2009.
François Lecomte : A la mairie pour y retirer nos masques à gaz
Dès notre retour de Saint-Malo, à la fin du mois de juillet, nous sommes allés tous les trois à la mairie pour y retirer nos masques à gaz.
Un préposé m’a remis une boîte en tôle grise, en forme de cylindre, avec une bretelle. Il a sorti de la boîte un masque et une cartouche et m’a montré comment visser la cartouche sur le masque. Il m’a expliqué comment le mettre, me l’a ajusté, s’est assuré qu’il était bien étanche en bouchant avec sa main l’orifice de la cartouche. Il était à mes mesures puisque j’ai failli étouffer. L’ayant enlevé, il a fallu que je le range moi-même dans le cylindre.
Il a passé la courroie sur mon épaule et indiqué que je ne devais plus m’en séparer.
François Lecomte, Jamais je n’aurai quatorze ans, Le manuscrit/Fondation pour la mémoire de la Shoah, 2005, p. 121