AEI-LIBERTE-PANNEAU

Liberté

Définition : État de celui, de ce qui n’est pas soumis à une ou des contrainte(s) externe(s). Condition de celui, de ce qui n’est pas soumis à la puissance contraignante d’autrui.
Centre national de ressources textuelles et lexicales

Victor Ullmann, Sonate n° 7 – V. Thème, variations et fugue sur un chant populaire hébraïque

Son verbe ne fut pas un aveugle bélier mais la toile où s’inscrivit mon souffle.

« Elle est venue par cette ligne blanche pouvant tout aussi bien signifier l’issue de l’aube que le bougeoir du crépuscule. Elle passa les grèves machinales ; elle passa les cimes éventrées. Prenaient fin la renonciation à visage de lâche, la sainteté du mensonge, l’alcool du bourreau. Son verbe ne fut pas un aveugle bélier mais la toile où s’inscrivit mon souffle. D’un pas à ne se mal guider que derrière l’absence, elle est venue, cygne sur la blessure, par cette ligne blanche. »
René Char, La Liberté in Seuls demeurent (1938-1944) dans le recueil »Fureur et mystère », Gallimard,1967 Jean Prévost

La liberté : qu’une seule de ces vertus lui manque et elle meurt.

« Etre un esprit libre, un homme libre, c’est prendre sa part des problèmes dont nous dépendons tous, et que personne ne peut résoudre : la destinée et la politique. Refuser de s’en mêler, c’est s’abandonner aux pires esprits, ceux qui se croient sûrs et s’arrogent l’autorité aux présomptueux et aux fanatiques. Le courage de choisir la clairvoyance, de choisir pour soi seul, la générosité de vouloir que chacun choisisse, telle serait la liberté : qu’une seule de ces vertus lui manque et elle meurt. »
Jean Prévost

Il peut tuer un homme mais il ne peut pas le changer en autre chose.

« Nous sommes au point de ressembler à tout ce qui se bat que pour manger, au point de nous niveler sur une autre espèce, qui ne sera jamais nôtre et vers laquelle on tend ; mais celle-ci qui vit du moins selon la loi authentique – les bêtes ne peuvent pas devenir plus bêtes – apparaît aussi somptueuse que la nôtre « véritable » dont la loi peut être aussi de nous conduire ici. Mais il n’y a pas d’ambiguïté, nous restons des hommes, nous ne finirons qu’en hommes. La distance qui nous sépare d’une autre espèce reste intacte, elle n’est pas historique. C’est un rêve SS de croire que nous avons pour mission historique de changer d’espèce, et comme cette mutation se fait trop lentement, ils tuent. Non, cette maladie extraordinaire n’est autre chose qu’un moment culminant de l’histoire des hommes. Et cela peut signifier deux choses : d’abord que l’on fait l’épreuve de la solidité de cette espèce, de sa fixité. Ensuite, que la variété des rapports entre les hommes, leur couleur, leurs coutumes, leur formation en classes masquent une vérité qui apparaît ici éclatante, au bord de la nature, à l’approche de nos limites : il n’y a pas des espèces humaines, il y a une espèce humaine. C’est parce que nous sommes des hommes comme eux que les SS seront en définitive impuissants devant nous. C’est parce qu’ils auront tenté de mettre en cause l’unité de cette espèce qu’ils seront finalement écrasés. (…) Eh bien, ici, la bête est luxueuse, l’arbre est la divinité et nous ne pouvons devenir ni la bête ni l’arbre. Nous ne pouvons pas et les SS ne peuvent pas nous y faire aboutir. Et c’est au moment où le masque a emprunté la figure la plus hideuse, au moment où il va devenir notre figure, qu’il tombe. (…) Nous en tenons ici la preuve, et la plus irréfutable preuve, puisque la pire victime ne peut faire autrement que de constater que, dans son pire exercice, la puissance du bourreau ne peut-être autre qu’une de celles de l’homme : la puissance de meurtre. Il peut tuer un homme mais il ne peut pas le changer en autre chose. »
Robert Antelme, L’espèce humaine, Gallimard, 2012

Le papillon

Le dernier tout dernier
si intensivement amèrement radieusement jaune
peut-être comme si le soleil résonnait contre une pierre blanche…
Un jaune, un tel jaune
il s’éleva avec légèreté si haut
progressant avec assurance assurément voulant embrasser une dernière fois mon monde.
Je vis ici depuis sept semaines
enfermé dans ce ghetto.
Les miens m’ont trouvé ici
les pissenlits ici m’appellent
de même que la blanche branche de châtaignier dans la cour.
Je n’ai jamais revu de papillon ici.
Celui-là fut le dernier.
Les papillons ne vivent pas ici
dans le ghetto.
Pavel Friedmann (1921-1942), Le papillon, poème daté 4 juin 1942,
traduction Stéphane Gailly